Le livre du voyage de Bernard Weber

L'auteur nous donne une magnifique conception du livre. Il me semblait nécessaire d'en parler ici, sur ce blog où l'on s'efforce de comprendre, avant même les techniques propres à l'écriture, avant même d'appréhender la notion d'écrivain ou alors après, selon que l'on ait déjà choisi qui donne naissance à l'autre, cette étrange figure de style : le livre .

J'ajusterais bien mes lunettes sur le bout de mon nez, si j'en avais, histoire de me donner une contenance, mais je devrais me contenter des pans de mon gilet, mon gilet de grand-mère, arraché à un herbier de laines aux couleurs improbables.

J'ai peur d'avoir l'air bête, devant ce livre. Il me parle.

"Bonjour.

Je me présente

Je suis un livre et je suis vivant.
Je m'appelle "Le Livre du voyage".
Je peux, si vous le souhaitez, vous guider pour le plus léger, le plus intime, le plus simple des voyages.
Hum...
Puisque nous allons vivre quelque chose de fort ensemble,
permets-moi tout d'abord de te tutoyer."

Je crois que j'ai bien fait de rajuster les pans de mon gilet.

"Bonjour, lecteur.
Tu me vois.
Je te vois aussi."

A ce stade là de la lecture, une subtile alchimie s'est déjà opérée entre le livre et moi, et je suis persuadée qu'il ne me ment pas : il me voit, sonde mon âme, lui suis-je réceptive? Qu'est-il donc pour moi?
 Je m'interroge, il me répond, conscient déjà de mon désarroi.

"Je suis ton livre et je suis vivant.
...
A partir de maintenant je te propose de me percevoir non plus comme un long déroulement de mots et de virgules,
mais comme une voix.
Ecoute la voix du livre.
Ecoute ma voix
Bonjour.
Selon ta manière de m'appréhender, je peux être rien.
Juste un morceau de carton et de papier pratique pour caler les armoires.
Je peux être beaucoup si tu le désires.
Quelque chose que tu pourras  consulter sans cesse où que tu sois.
Quelque chose qui ne te laissera jamais ni seul ni sans sortie de secours.
Un ami de papier."

 
Au fil des années, je me suis fait beaucoup d'amis et leurs voix ne m'ont jamais vraiment quittée.
Je n'entends d'ailleurs pas toujours ce qu'on me dit, de vive voix. J'ai trop de discours à suivre, sans doute.
Alors je préfère qu'on m'écrive ce qu'on a à me dire. Qu'on devienne une voix à son tour.
Je suis une collectionneuse, de ces mots susurrés, à la faveur d'une trame de papier.

Céline Vay


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