AUTOPSIE D’UN
SUCCES 2
Nous allons aujourd’hui analyser le contenu
de ce livre à succes qu’est “Les gens heureux lisent et boivent du café. Après
tout, l’on peut se dire que si ce livre “fonctionne”, c’est qu’il y a, à
l’intérieur de l’alléchante boite, des chocolats qui respondent exactement aux
gouts et aux attentes des consommateurs.
Les anti-héros
semblent avoir la côte.
L’héroïne du livre affiche de nombreux
défauts, elle n’est pas à proprement une jeune femme modèle. Elle picole, fume
comme un vieux diesel, drague. Vous me direz, elle est déprimée.
C’est vrai. Mais cela ne contribute-t-il
pas à faire d’elle un personnage qui nous ressemble ? L’on peut
facilement s’identifier à elle, parcequ’il faut bien l’avouer, on est pas des
anges non plus…
Quant à Monsieur le beau ténébreux
irlandais, il a tout d’un grincheux. Il est même un peu négligé, niveau look
parfois. Encore une fois, nous voilà loin du prince ideal tout en courtoisie,
en romantisme et en paroles suaves. Un parfait connard, voilà comment il se
présente par moment.
Felix, le meilleur ami homosexuel, est le
roi de l’orgie sexuelle. Il vit sa vie comme il l’entend, se couche à l’aube et
se lève rârement tout seul.
Les personages des “gens heureux lisent et
boivent du café”, boivent beaucoup et lisent bien peu. Ils sont des
contre-exemples de conduite. Oui mais voilà, c’est justement ces
caractéristiques qui leur restituent toute leur humanité et leur conferent un
côté indéniablement moderne.
Un style
basique qui plait
Le lecture s’est grandement démocratisée
ces dernières années et n’est plus l’apanage d’une élite intellectuelle. On
peut dire que les romans populaires, écrits dans un langage simple et de tous
les jours séduit de nombreux lecteurs. Pas besoin de faire de belles phrases
alambiquées pour être lu du plus grand nombre. Là encore, je pense que le
lecteur a besoin de s’identifier aussi à l’auteur. Or, si l’écrivain est un
artiste inaccessible qui emploie des mots compliqués, cette identification est
impossible.
Dans “Les gens heureux lisent et boivent du
café”, vous remarquerez la simplicité extrême du style. Là encore le livre
divise. Certains commentaires, très critiques, déplorent une écriture scolaire,
digne d’une collégienne. Diviser pour mieux régner, sans se casser la tête à
produire du texte hautement littéraire et vendre 300 000 exemplaires,, moi je
dis chapeau bas madame Lugand.
De la romance,
encore de la romance.
Les histoires d’amour font rêver et l’amour
est la quête absolue de bons nombre de terriens. Pas besoin d’analyse
compliquée pour expliquer l’engouement des histoires sentimentales. En
saupoudrer copieusement son livre est assurement un gage de seduction du
lecteur. Même sans le “happy end”, la preuve est que nos deux héros finissent
pas couper court à leur relation (mais il y une suite bien sûr…), l’histoire
d’amour est une valeur sûre. On peut la caser partout, dans un polar, un
thriller ou encore, un roman fantastique.
Des sentiments,
des mouchoirs, une psychologie peu fouillée.
Mme Lugand use et abuse des sentiments
humains, ou plutôt de leur expression “physique” : larmes, rires etc… Tout le
monde pleure, tout le monde rit. Par contre, l’élaboration mentale des emotions
n’est qu’à peine survolée, éfleurée. C’est peut-être le signe qu’il faut éviter
les introspections minutieuses, la decortication des pensées, bref, l’analyse
psychologique trop poussée, assomante ?
Un joli minois
?
Là, il se peut que je m’engage un peu trop.
Mais je subodore que le joli minois de Mme Martin Lugand n’est pas étranger à
son succes. En photo sur une page d’auteur, sur la couverture d’un livre ou
encore à la télé pour une interview, il ne faut pas se leurrer, la nature nous
donne un coup de pouce, ou pas… On évitera donc de poser un lendemain de
beuverie, en plein syndrome grippal ou le matin au saut du lit. On bénit
photoshop et les éclairages avantageux ou on choisit une photo vieille d’il y a
dix ans. Sinon on fait comme votre servitrice, on met la trombine de son chat.
Tout le monde craque pour les petits chats !
Pour résumer cette petite analyse, on
reticent les points suivants :
-
Mieux vaut créer des
personnages qui ne soient pas la perfection incarnée,
-
mieux vaut écrire dans un style
simplissime,
-
mieux vaut introduire un
histoire amoureuse dans l’intrigue
-
mieux vaut montrer les
manifestations extérieures des sentiments que de les decrier en profondeur,
-
mieux vaut ne pas être moche.
Je ne sais pas si l’utilisation drastique de ce modèle peut
contribuer à elle seule à vendre des centaines de milliers d’exemplaires de nos
livres. Ce sont en tout cas des pistes à explorer, d’autant qu’elles sont
relativement faciles à metre en oeuvre, sauf le dernier point, j’en conviens.
A Bientôt !
Lucie Arcangel
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